L’enjeu des élections législatives 2017: tempérer le présidentialisme !

Pourquoi une trop grande victoire d’Emmanuel Macron aux législatives serait dangereuse

380 ou même 400 députés « En Marche! », prévoient les sondeurs! Si le fait majoritaire est ainsi confirmé, de quel type de pouvoir augure-t-il? D’un présidentialisme incontrôlable? Pas certain que ce phénomène inédit soit le renouvellement démocratique attendu…

Le présidentialisme majoritaire renforcé

En premier lieu, le scrutin législatif couplé et post-présidentielle a pour coutume de ne pas contrarier le choix du Prince, et même de conforter son élection.

Ainsi, à ne prendre qu’une époque récente, car la dynamique est renforcée par le quinquennat; en 2002, Jacques Chirac parvient au premier tour à recueillir 19,9% des suffrages exprimés, mais l’UMP, son parti à l’époque, arrive aux législatives au premier tour à 33,3%; en 2007, Nicolas Sarkozy: 31,2% / l’UMP: 39,5%; en 2012, François Hollande: 28,6% / les socialistes 30%. À chaque fois, les législatives confortent en voix le succès présidentiel du premier tour, alors qu’il y a souvent plus de candidats déclarés dans les circonscriptions qu’à la présidentielle. Et à prendre en compte la notion de majorité présidentielle (élargie aux partis tiers alliés, gauche et droite modérées), l’écart est encore plus important…

En second lieu, en termes de sièges, du fait du mode de scrutin très discriminant choisi sous la Ve République (majoritaire à deux tours), le hiatus est encore plus frappant. Le seuil d’accès au second tour (12,5% des inscrits soit parfois 20% des exprimés) y contribue beaucoup.

Si l’on retient les partis de l’alliance majoritaire, celle qui soutient le gouvernement de l’Assemblée: en 2002, ils obtiennent 374 sièges (soit 68%); en 2007 343 (59,5%); en 2012, la gauche de gouvernement parvient à 317 -soit 57%. Cette fois-ci, du fait de la singularité de la configuration présidentielle, du fait de l’adhésion très modérée au projet Macron, ou encore des bons résultats de la droite aux élections intermédiaires de 2014 et 2015, l’on pouvait s’interroger sur la reproduction de cette prime présidentielle aux législatives. Il semble qu’en vertu des sondages pour l’instant, à quelques jours du premier tour, cette interrogation serait inutile!

Une situation inédite

En vertu du scénario le plus optimiste pour le pouvoir actuel, la situation serait inédite puisque autour de 400 députés sur 577 seraient acquis à « En Marche! » (incluant ceux du Modem) -soit davantage que les partis de gouvernement depuis 2002. Inédite également serait la configuration de l’Assemblée, puisque plus polarisée que par le passé: le Front national y obtiendrait un groupe, et la France insoumise+PCF aussi, alors que LR et le PS deviendraient des partis tiers de gouvernement et/ou d’opposition, si tant est qu’ils restent unis…

Inédite serait la configuration de l’Assemblée, puisque plus polarisée que par le passé: le Front national y obtiendrait un groupe, la France insoumise et le PCF aussi.

Cette configuration serait inédite: si, souvent, la comparaison est faite entre « En Marche! », et la situation gaullienne au début de la Ve République, elle me semble trompeuse. Voici la configuration de l’Assemblée en 1958:

Ainsi, en 1958, non seulement le mouvement gaulliste « n’obtient » seul que 200 parlementaires, mais encore, le lien entretenu avec les indépendants et paysans (117) est moins serré que celui unissant aujourd’hui « En Marche! » et le Modem. Par ailleurs, les autres partis représentés sont hérités de la IVe République et peu amateurs d’une « pratique solitaire du pouvoir »… D’emblée, l’on sait donc que la majorité à l’Assemblée nationale existe, mais qu’elle sera discutée et les relations avec les partis issus de l’ancien régime, difficiles. Ce qui ne manqua pas de se produire.

Or, aujourd’hui, à part d’éventuelles brouilles entre Modem -auquel ont été réservées 80 circonscriptions environ, soit au plus 50 députés, et « En Marche! », le chef de l’Etat aura une majorité absolue sans doute d’autant plus dévouée, que d’une part, les autres partis présents ne peuvent pas prétendre, en s’alliant, forger une majorité de rechange; et surtout d’autre part, que les nouveaux élus sont pour beaucoup des néophytes -à cela un avantage immédiat: la reproduction du phénomène de député godillot.

Des élus venus de la société civile pourront être maladroits et tomber dans quelques pièges médiatiques… Le risque inquiéterait l’Élysée.

Les nouveaux venus seront disciplinés pense-t-on. Il y a cependant une réserve: des élus venus de la société civile pourront être maladroits et tomber dans quelques pièges médiatiques… Le risque inquiéterait d’ailleurs l’Élysée. Plus largement, lors des premières difficultés venues pour le gouvernement, comment préjuger en termes de discipline du comportement de ce personnel politique inconnu? On peut compter sur quelques « leaders » pour cadrer les troupes… Si l’on retient l’hypothèse haute pour « En Marche! », le présidentialisme aurait des soutiens plus forts aujourd’hui qu’en 1958.

L’enjeu: tempérer le présidentialisme

Alors que l’abstention ne cesse d’augmenter au scrutin législatif (jusqu’à 42% en 2012), le risque est donc réel d’avoir une Assemblée élue en fort décalage avec l’état de l’opinion. Le fait majoritaire serait une fois de plus trop prononcé. Car il est devenu récurrent de remarquer la sous-représentation de partis d’importance, tels que le Front national ou d’autres. À gauche, la pratique d’une construction majoritaire plurielle voulue par le PS à partir de 1997 -avec les radicaux, les chevènementistes, le PCF et les écologistes- a certes permis de compenser l’uniformité majoritaire. Mais l’attente des acteurs et d’une majorité de l’opinion reste de souhaiter l’adoption d’une dose de proportionnelle pour élire les députés. L’enjeu est d’avoir une démocratie moins personnalisée, plus délibérative, plus représentative, sans devenir ingouvernable.

Il faut éviter d’accentuer le déphasage entre les pouvoirs nationaux et l’état actuel des opinions politiques.

Nous en venons alors à la question posée par le scrutin actuel et le changement de pratique institutionnelle qu’il faut en attendre. Si le résultat d’une majorité absolue pléthorique est confirmé, le présidentialisme incontrôlable sera très puissant. Alors, de quel pouvoir voulons-nous? L’ode au changement martelé par le candidat Macron va-t-elle sur le plan institutionnel se matérialiser par une accentuation du pouvoir personnel, peu délibératif, privilégiant par trop le souci d’une prétendue efficacité sur un rééquilibrage parlementaire et citoyen?

Voir notre article :  « Moi je n’y crois pas ! :

Ce serait accentuer le déphasage entre les pouvoirs nationaux et l’état liquide actuel des opinions politiques. Car les collectivités territoriales, pour l’heure, restent marquées par le clivage droite/gauche classique. Et surtout, la présidentielle et nombre d’enquêtes depuis des années, indiquent à quel point un regain de confiance politique sera d’abord fondé sur des pratiques plus concertées, participatives et délibératives. Une majorité relative et une assemblée plus composite, semblent-ils exclues, seraient pourtant les premiers jalons à poser, pour tempérer notre présidentialisme exacerbé…

Source HP

 

 

A propos Le Haut Parleur

Ce site communautaire est un site d’entre-aide, un site d’information citoyenne, un forum de communication où l’on trouvera les informations sur l'actualité / des conseils / bons plans, ...
Cet article a été publié dans Uncategorized. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Merci de votre contribution

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.