Le Haut Parleur : Lors d’entretiens d’embauche, il est courant de passer des tests de personnalité, notamment. Que faut-il en penser et comment s’y préparer au mieux ?
Consultant RH : Une des façons possibles de s’y préparer est de « tester des tests » avant les entretiens afin de ne pas être pris au dépourvu le moment venu. Il est utile de mieux percevoir la façon dont cela se passe, ce que le test permet de faire ressortir de sa personnalité, d’avoir réfléchi à l’idée ou l’image que l’on a de soi. Cela permet d’éviter d’être surpris ou en total décalage au moment du test en comprenant notamment comment les questions sont formulées et ce qui émerge. C’est, de toutes les façons, riche d’enseignement sur soi-même. Nous en faisons passer à des étudiants parfois, et les élèves me disent combien ils ont pu, pour certains, se sentir enfermés et coincés dans l’idée qu’il faut se situer par rapport à un modèle. Ils expriment alors un malaise ressenti pendant le test et lors de la restitution.
Il faut que les candidats sachent que si le fait de passer des tests d’embauche et incontournable, ils ne se « définissent » pas pour autant selon les résultats de ces tests. Leur personnalité est bien évidemment beaucoup plus riche, plus complexe, plus intéressante. Un test donne une moyenne de comportement et n’a rien à voir avec la richesse (en terme de personnalité) qui est la leur, les expériences multiples qui sont les leurs, les histoires qu’ils ont à leur disposition pour parler d’eux. Un test quel qu’il soit, n’est qu’un support. Considérons-le un peu comme un phare, un point lumineux qui aide à s’orienter… C’est tout ! Ce qui en ressort est intéressant pour réfléchir à soi, si ce qui ressort du test est pris avec beaucoup de recul. Il peut nous surprendre par exemple, ou au contraire confirmer ce que nous supposions, révéler nos axes de confort et d’inconfort, nos points forts, nos points de développement possibles…
Il est intéressant d’exploiter ces éléments afin de développer la connaissance que nous avons de nous-même. Au-delà, attention aux amalgames et aux tendances simplificatrices.
Le Haut Parleur : Que cherchent les recruteurs en faisant passer des tests et qu’évaluent-ils ?
C. RH : Certains recruteurs cherchent essentiellement à identifier des critères. Les tests permettent de faire ressortir un certain nombre de critères qu’ils mettent en correspondance avec ceux définis pour le poste. Dans un recrutement, le test facilite les choses : soit les critères correspondent, soit ils ne correspondent pas ! Le processus de décision est alors largement facilité… Le problème, ce sont les critères de départ : ils sont toujours très schématiques. Les « tests de personnalité » tiennent finalement assez peu compte de la personnalité des gens, je trouve. Ils cherchent à nous rapprocher d’archétypes et sont, de ce fait, simplificateurs. Ils ne prennent pas en compte la richesse et la complexité d’une personnalité. Ils arrangent le travail de ceux qui recrutent sans dire grand chose de la réelle personnalité, de l’expérience, de l’identité et de l’histoire d’une personne. Autant les tests qui sont utilisés dans le développement personnel par exemple, en donnant les grands traits de la personnalité, peuvent être utiles (s’il y a derrière un vrai travail de décryptage, d’analyse, de réflexion, de passerelles tissées avec l’histoire de la personne) pour éclairer une personnalité, autant certains tests de recrutement peuvent être simplificateurs et réducteurs.
Le Haut Parleur : Pourquoi sommes-nous évalués ainsi, à votre avis ?
C. RH: Le problème souvent, dans les entreprises, les systèmes et les organisations, est que les recruteurs cherchent à identifier des profils correspondant à l’idée qu’ils se font des compétences et des capacités des gens à évoluer dans un certain environnement et à exécuter certaines tâches. Les recruteurs cherchent des candidats se situant dans une forme de conformité et finissent par recruter des clones… C’est négliger le fait qu’une personnalité est plus complexe que ça ! C’est alors que l’on « rabote » les candidats à l’aune de ce que l’on estime avoir besoin d’eux, en terme de capacité, d’obéissance, d’intégration, de management…etc. Les entreprises se coupent ainsi de tout ce qui fait la diversité et la richesse de la personne ainsi que de tout ce qui peut naître de la rencontre de personnalités diverses. Mais c’est sans doute plus facile à gérer… Pourtant la créativité, l’énergie qui peuvent émerger d’une organisation sont surtout liées à un certain niveau de diversité. C’est ce que l’on pourrait appeler la « sensibilité sociale » : ce qui fait que l’interaction entre les individus produit quelque chose qui est supérieur à la somme de leurs compétences… Ce qui naît de la rencontre, du partage de l’expérience, du partage des idées, amène tout à coup quelque chose de nouveau, d’unique et de différent dans une équipe, quel que soit le domaine d’activité. Petit à petit, en formatant les organisations et en mettant quelques critères basiques aux commandes, les candidats en poste connaissent cette sensation désagréable comparable à celle d’entrer le pied dans une chaussure trop petite… ça peut faire mal, très mal même ! En essayant de faire rentrer les gens à coup de chausse-pieds et de force dans les organisations, en les « rabotant », ils souffrent. D’où beaucoup de malaise et aussi de problèmes plus graves à l’heure actuelle ! Les idéaux et les espoirs des gens peuvent être ainsi piétinés… C’est pourtant ce que les individus possèdent de plus précieux…! Bien entendu, ceci ne peut fonctionner qu’un temps. Les individus finissent parfois par « craquer » avec les risques que l’on connaît. Parfois les gens décident de sortir brutalement du système… par la fenêtre et du troisième étage ! Il y a dans ces sorties dramatiques dont l’actualité se fait l’écho, des gens qui ont légitimé leur acte en le resituant de façon explicite dans leur contexte professionnel. En conclure qu’il s’agissait seulement de personnalités fragiles est assez irresponsable…
Le Haut Parleur: Certains consultants RH à l’heure actuelle, proposent aux entreprises d’élaborer des repérages de profils suicidaires, de sujets au burn-out, à la dépression, à la souffrance, au mal-être…etc. Qu’en pensez-vous ?
C. RH : Je crois qu’il serait plus pertinent de réfléchir à ce qui, dans les entreprises aujourd’hui, peut amener une personne au burn out, à la dépression voire dans le cas le plus extrême, au suicide !!! Ce serait une façon de localiser le problème non pas « à l’intérieur » des individus mais de le considérer comme issu de la relation difficile entre la personne et le système dans lequel il évolue… et amener enfin à de profonds changements dans le management de nos organisations !