Qu’est-ce que l’Alliance bolivarienne ?

Les soutiens de Jean-Luc Mélenchon sont confrontés aux questions des journalistes portant sur la volonté du candidat d’adhérer à l’Alba, « l’Alliance bolivarienne des peuples de notre Amérique ».

À quoi correspond-elle ?

L’Alba regroupe un certain nombre de pays aux gouvernements communistes ou altermondialistes : Cuba, le Venezuela, la Bolivie, l’Equateur et le Nicaragua. 

« Alba », est un nom espagnol signifiant « l’aube », mais c’est également l’acronyme de « l’Alliance bolivarienne des peuples de notre Amérique ». Une alliance que Jean-Luc Mélenchon souhaiterait rejoindre en cas d’accession à la présidence de la République.

Elle suscite des interrogations depuis que Clémentine Autain, soutien du candidat, a appris l’existence de ce point du programme en direct sur France Info, jeudi 13 avril. Cette alliance avait également fait l’objet d’une discussion animée entre Alexis Corbières, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, et le journaliste Patrick Cohen sur le plateau de « C à vous », lundi 10 avril.

Qu’est-ce que l’Alba ?

L’Alliance Bolivarienne pour les peuples de notre Amérique – Traité de Commerce des peuples (Alba-TCP) est née le 4 décembre 2004 à la Havane, sous l’impulsion des anciens présidents vénézuélien Hugo Chavez et cubain Fidel Castro. C’est une alliance à la fois politique, territoriale, économique, culturelle.

Elle regroupe neuf états membres de l’Amérique latine et des Caraïbes : le Venezuela, Cuba, la Bolivie, le Nicaragua, la Dominique, l’Équateur, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Antigua-et-Barbuda, Sainte-Lucie, Saint-Christophe-et-Niévès et Grenade. Elle compte aussi un membre « invité spécial » depuis 2012, le Suriname ainsi que trois membres observateurs : Haïti, l’Iran et la Syrie, ce qui lui vaut d’être critiquée.

L’Alba regroupe un certain nombre de pays aux gouvernements communistes ou altermondialistes : Cuba, le Venezuela, la Bolivie, l’Equateur et le Nicaragua. Comme son nom l’indique, elle s’inscrit dans le courant du « bolivarisme », promu par Hugo Chavez en référence à Simon Bolivar, le « libérateur » de l’Amérique latine.

Quel est son objectif ?

L’Alba est un projet régional d’intégration pour les pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Il met l’accent sur la solidarité, la complémentarité, la justice et la coopération. L’alliance vise également à défendre « l’indépendance, l’autodétermination et l’identité des peuples qui la composent ».

Elle s’inscrit comme une alternative à la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), projet de zone de libre-échange économique dans lequel les États-Unis ont une forte influence.

Comment fonctionne-t-elle ?

L’Alba s’appuie sur deux instruments financiers pour renforcer l’intégration entre ses états membres. D’une part, le système unitaire de compensation régional, le Sucre (Système unitaire de compensation régional), une monnaie virtuelle, créée en 2010 et réservée aux banques centrales pour renforcer les échanges et les investissements entre les pays de l’Alba, sans avoir recours au dollar.

D’autre part, l’alliance bolivarienne s’est dotée d’une banque en 2008. Cette banque, à laquelle seuls le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua, Cuba, la Dominique et Saint-Vincent-les-Grenadines appartiennent, a pour objectif « le développement économique et social durable, la réduction de la pauvreté et des asymétries, le renforcement de l’intégration ».

À travers le financement de programmes et projets, son but est de « promouvoir des échanges économiques justes, dynamiques, harmonieux et équitables entre les membres de l’Alba, inspirés des principes de solidarité, complémentarité, coopération et respect de la souveraineté des peuples. » Pour cela, elle dispose d’un capital d’un milliard de dollars. C’est cette banque qui gère la monnaie virtuelle, le Sucre.

Pourquoi Jean-Luc Mélenchon l’évoque-t-il dans son programme ?
Le candidat de la France Insoumise propose de rejoindre l’Alba afin de sortir de l’enclavement les départements d’outre-mer. Dans son programme L’avenir en commun, Jean-Luc Mélenchon indique au chapitre 62, vouloir entre autres « instaurer une politique
de développement avec l’Amérique latine et les Caraïbes en adhérant à l’Alba ».

Au chapitre 15, il évoque également l’alliance dans le passage spécifique aux outre-mer, en évoquant le fait de « rejoindre les coopérations régionales dans une démarche de codéveloppement écologique, social, et de progrès humain : par exemple l’Alba pour les Antilles et la Guyane française ». Coincée entre le Suriname et le Brésil, la Guyane partage d’ailleurs avec ce dernier une frontière de 730,4 kilomètres, soit la plus longue frontière terrestre avec un pays étranger.

Sa volonté est de mieux intégrer les territoires français dans leur région, alors même que comme l’indique la direction générale du Trésor en mai 2016, « les échanges commerciaux entre les pays de l’Alba et la France sont modestes : avec un montant total de 1,3 milliard en 2015, ils représentent moins de 6 % du total des échanges entre la France et l’Amérique latine ».

Voilà pour les aspects positifs. Car, alors que Jean-Luc Mélenchon veut que la Guyane et les Antilles françaises rejoignent l’Alba, cette proposition amènerait la France, en vertu des logiques d’entraide de l’Alliance bolivarienne, à aider des pays en grande difficulté économique.

Paris se devrait aussi de partager les positions politiques de régimes souvent autocratiques et de revoir ses alliances géopolitiques, car si Cuba et le Venezuela ne sont, pour le moins, pas des démocraties, la présence de l’Iran comme pays observateur de l’Alba ou les appuis répétés de cette dernière au régime de Bachar al-Assad sont pour le moins gênants.

Mélenchon face au bilan de son modèle Hugo Chavez

Après la mort d’Hugo Chavez le 5 mars 2013, Jean-Luc Mélenchon, ne tarissait pas d’éloges à propos du leader Vénézuélien. « Chavez, c’est l’idéal inépuisable de l’espérance humaniste, de la révolution. Il n’a pas seulement fait progresser la condition humaine des Vénézuéliens, il a fait progresser d’une manière considérable la démocratie » rapportait le journal l’Humanité.  Hugo Chavez le modèle de Jean-Luc Mélenchon, a malheureusement, à travers son expérience de révolution bolivarienne, modifié de façon telle les structures économiques et sociales, que son pays le Venezuela traverse aujourd’hui une crise dramatique, incapable de faire face à la diminution des revenus du pétrole…

La révolution bolivarienne

La révolution bolivarienne est le nom donné par ses partisans au mouvement de réformes et de redistribution de la rente pétrolière initié par Hugo Chavez au Venezuela après son arrivée au pouvoir. Le nom fait référence à Simon Bolívar, et reprend certains de ses idéaux.

Selon Hugo Chavez, la révolution bolivarienne est un mouvement de masse pour mettre en place une « démocratie populaire participative », une indépendance économique du Venezuela, une distribution équitable des revenus et en finir avec la corruption du pays.

Après un coup d’Etat manqué en 1992, Chavez passe deux ans en prison puis  fonde un parti politique d’orientation socialiste, le Mouvement Cinquième République. Il est élu président du Venezuela en 1998.

Une redistribution partielle des terres est lancée.  Hugo Chavez décide de nationaliser les latifundiums, grands domaines de terre cultivable peu exploités et dont la légalité de l’acquisition est questionnée (certains riches propriétaires ne sont pas en mesure de justifier d’un titre de propriété). Il les redistribue alors à des coopératives d’agriculteurs, sous le régime de la propriété communale. Selon le journal International Herald Tribune, les résultats n’en ont pas été concluants et de nombreux économistes craignaient en 2007 que la politique menée par M. Chavez ne rende le Venezuela encore plus dépendant des importations alimentaires qu’auparavant. Des systèmes de microcrédits d’initiative publique sont mis en place afin de faciliter le développement des petites entreprises parmi les franges les plus pauvres de la population n’ayant pas accès au crédit bancaire, faute de garanties suffisantes. À la différence du microcrédit commun, issu d’initiatives privées, celui mis en place ici est encouragé par l’État mais également par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés pour les initiatives visant les réfugiés colombiens.

La culture des OGM est interdite. Un système de banque de semences est mis en place. Son but officiel est de préserver la diversité des plantes. La pêche intensive est interdite dans les eaux territoriales vénézuéliennes, afin de préserver la biodiversité maritime et de favoriser les petits pêcheurs. La pêche au chalut est ainsi interdite dans les zones côtières. La nationalisation de pans entiers de l’économie du pays — généralement contrôlés par des monopoles ou des oligopoles privés — s’est accélérée depuis 2006 : en 2007 le gouvernement requalifie les concessions sur les gigantesques réserves de la « ceinture de l’Orénoque » en entreprises mixtes, où l’État devient actionnaire majoritaire (l’industrie pétrolière vénézuélienne a été nationalisée en 1976, lors de la création de PDVSA).

Deux des six multinationales du pétrole présentes se retirent. La même année la Banque BDV (Banco de Venezuela) partiellement nationalisée après la crise bancaire de 1994 et privatisée en 1996 est renationalisée lorsque le gouvernement interrompt les négociations entre celle-ci et le Groupe Santander, qui comptait l’acquérir. En 2008 le sidérurgiste Sidor est partiellement nationalisé (20 % contrôlé par l’État et 20 % par les salariés de l’entreprise), suivi par une usine de production de ciment de la multinationale Cemex. En 2009 le producteur d’électricité EDC (Electricidad de Caracas , 11 % de la production du pays) a été acheté par PDVSA.

En 2010, le commerce de détail est nationalisé, avec la chaîne Exito détenue par le groupe français Casino accusée de contribuer à la hausse des prix. La filiale locale de l’américain NorPro, fabricant un produit pour les forages pétroliers est étatisée et intégrée à l’entreprise publique PDVSA. Le groupe sidérurgique italien TenarisDalmine est exproprié de ses actifs, n’ayant trouvé un accord financier avec le gouvernement.

Le journal « The Economist » remarque que sur les 6,5 millions d’habitants ayant un emploi déclaré, 2 millions sont salariés de l’État. Le secteur public est en effet peu susceptible de recourir aux emplois de l’économie informelle, qui représentent près de la moitié du total au Venezuela. En comptant ces derniers, la population active en 2010 est de 11,9 millions de personnes selon les critères de mesure de la CEPAL et de 15 millions selon les critères de l’Organisation internationale du travail.

Les exportations pétrolières du Venezuela, conjuguées à la hausse des cours de l’or noir, ont permis à Hugo Chavez d’entreprendre une politique sociale généreuse sans pour autant préparer l’avenir.

Grande récession depuis 2014

Après la mort d’Hugo Chavez, Nicolas Maduro lui succède et continue la politique économique de son prédécesseur. Mais la montée en puissance de la production d’hydrocarbures alternatifs, notamment par les USA et leur gaz de schiste, entraine un baisse des prix du pétrole. Le pétrole est la ressource naturelle la plus abondante du Venezuela. Elle est traitée par la société pétrolière nationale PDVSA depuis 1975. La principale activité économique est l’exploitation et le raffinage du pétrole pour l’exportation et la consommation intérieure. Le secteur pétrolier dominait l’économie avec à peu près un tiers du PIB, 85 % des bénéfices à l’exportation et 43 % des revenus du gouvernement

La baisse des cours a eu un impact considérable et le modèle économique Chavez ne l’a pas anticipé. En socialisant l’économie, Chavez et son successeur on annihilé l’énergie du secteur privé, empêchant un rebond rapide. L’inflation passe de 69% en 2014, à 180% en 2015 et plus de 700 % en 2016. Cette même année, le PIB recule de 19%. Des pénuries alimentaires apparaissent et de nombreuses denrées sont rationnées.

Dans un sondage réalisé par Datincorp en novembre 2016, les Vénézuéliens déclaraient à 59% que la révolution bolivarienne était responsable de la crise : le président Chavez (25%), le président Maduro (19%) et le chavisme (15%).

Dès lors que notamment le point 62 du programme de Jean-Luc Mélenchon appelle à rejoindre l’Alliance Bolivarienne, on peut se demander si la vision économique du candidat ne nous promet pas, en cas d’élection, un scénario « vénézuélien.

Au Venezuela en Avril 2017  : 

» L’opposition demande l’organisation des élections régionales reportées depuis décembre 2016, la libération des prisonniers politiques, la création d’un corridor humanitaire pour permettre l’acheminement de nourriture et de médicaments.

La première préoccupation de la population est économique. Dans un pays où le contrôle des changes est très strict, « le pouvoir ne distribue de devises que pour importer de la nourriture et de l’essence, explique un bon connaisseur des échanges extérieurs du Venezuela. Dans les hôpitaux et les pharmacies, il n’y a plus un seul médicament. Il y a une véritable urgence sanitaire. »

Face à ses urgences, le pouvoir vient d’exproprier l’usine General Motors, qui employait plus de 2 000 personnes. Cet équipement tournait au ralenti, faute de disposer de devises pour importer des pièces détachées. La plupart des nationalisations qui ont eu lieu depuis dix ans ont conduit à la diminution, voire la disparition, de la production dans les usines, faute de personnel compétent.


L’inflation en 2017 pourrait atteindre 1 000 %. Les pénuries touchent plus de 80 % des produits, dans un pays qui dispose des plus importantes réserves de pétrole du monde. Pire : le Venezuela pourrait éprouver rapidement des difficultés à emprunter pour honorer ses échéances financières. Le parlement refusant de valider de nouveaux emprunts, les prêteurs habituels, la Chine et la Russie principalement, se montrent réticents à contracter des prêts sans la garantie du Parlement.