Ce 19 juin, on célèbre la paternité. Cependant, si la fête des mères est toujours un rendez-vous marquant, les Français se montrent peu empressés à souhaiter une joyeuse fête à leur père et dépensent moins en cadeau.
Ce 19 juin, c’est la fête des pères et, même sans être une mauvaise fille ou un mauvais fils, vous pourriez bien oublier de la souhaiter. Un sondage réalisé auprès de 2009 personnes âgées de plus de 18 ans, montre le déficit de popularité de cette célébration face à la plus populaire fête des mères.
Un Français sur trois pourrait ne pas souhaiter la fête des pères
66,2% ont l’intention de rendre hommage à leur paternel au jour dit, alors que 81,1% avaient pensé à dire « bonne fête maman » le 29 mai dernier. Moins de la moitié des sondés, 45,7% exactement, songe à faire un cadeau à leur père pour l’occasion.
Et, en plus de faire plus rarement un présent à leur père qu’à leur mère, les Français dépensent aussi moins d’argent pour le premier. En moyenne, leur budget sera de 49,67 euros cette fois-ci alors qu’au moment de faire un cadeau au côté maternel il y a trois semaines, l’estimation montait trois euros plus haut, ou presque: 52,31 euros.
Le rôle du père en question
Cette désaffection, bien sûr, ne vient pas de nulle part et elle est motivée par des raisons historiques et sociales.
Le flou artistique autour de la figure paternelle depuis plusieurs décennies pèse lourd dans cette affaire:
« Jusqu’aux années 70/80, le père était le chef de famille. Mais il y a eu un changement de statut du rôle du père. La loi, d’ailleurs, ne dit plus autorité ‘paternelle’ mais ‘parentale’ depuis 1971. Aujourd’hui, le rôle du père n’est pas totalement redéfini. Le lien avec la mère, lui, reste ce qu’il y a de plus stable, de plus indélébile. »
L’explication historique : la fête des mères est bien plus officielle en France.
Si l’inspiration ne vient pas, c’est peut-être parce que la fête des pères est bien moins ancrée dans l’Histoire de France que celle des mères. Dès 1918, en France, une « journée des mères » est organisée à Lyon. Deux ans plus tard, le ministère de l’Intérieur institue la « journée nationale des mères de famille nombreuse », qui s’accompagne d’une collecte de fonds publics pour certaines de ces familles. Le terme « famille nombreuse » sautera sous Vichy, le gouvernement Pétain souhaitant promouvoir son « modèle » d’une famille centrée autour de « maman », tandis que « papa » travaille. Le 25 mai 1950, la « journée des mères » se transforme en « fête », et sa célébration est officialisée par une loi.
Rien de tout cela pour la fête des pères. C’est le fabricant de briquets breton Flaminaire qui a l’idée, en 1949, de créer l’évènement, dans un but markéting, pour imposer le briquet à gaz dans l’Hexagone en les faisant offrir aux « papas ». La fête sera tout de même officialisée par l’Etat, en 1952, mais par un simple décret, contrairement à celle des mères qui est inscrite dans la loi.
Le lien avec la mère reste ce qu’il y a de plus stable, de plus indélébile
L’explication sociologique : le père n’a pas le même « statut » que la mère.
Cette différence de traitement envers les deux fêtes pourrait peut-être s’expliquer par la vision des Français envers de leurs paternels, et par le rôle que leur donne la société. « Jusqu’aux années 70/80, le père était le chef de famille. Mais il y a eu un changement de statut du rôle du père. La loi, d’ailleurs, ne dit plus autorité ‘paternelle’ mais ‘parentale’ depuis 1971 », rappelle le sociologue Michel Billé, qui enchaîne : « aujourd’hui, le rôle du père n’est pas totalement redéfini. Le lien avec la mère, lui, reste ce qu’il y a de plus stable, de plus indélébile ». En 2011, une étude sur les pays de l’OCDE montrait que la mère passait en moyenne 1h40 par jour avec leur enfant contre… 42 minutes pour les pères ! « Notre société s’interroge encore sur ce que c’est qu’être père. Le lien avec le père est comme secondaire. Du coup, s’il y a quelqu’un à fêter, c’est la mère! », conclut Michel Billé.
Pour Christine Castelain-Meunier, sociologue à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), la moindre audience de la fête des pères « reflète effectivement le changement concernant la fonction paternelle ». « Mais il reste aussi le symbole, encore très présent, du père de famille d’autrefois. Il a tellement représenté quelqu’un d’important qu’il semble difficile de l’honorer par des petits cadeaux, des fantaisies, surtout lorsqu’on est adulte », explique-t-elle.
Bientôt une nouvelle génération pro-fête des pères ?
La donne pourrait-elle se rééquilibrer d’ici quelques années ? Selon OpinionWay, si seulement 32% des 25-34 ans ont une opinion favorable de la fête des pères, cela grimpe à 57% pour les 18-24 ans. « Le sens de l’Histoire va vers des rapports plus horizontaux, moins hiérarchiques, au sein des familles. Les anciens symboles vont s’estomper, et l’on pourra faire des petits cadeaux à son père ! Mais il faudra bien attendre au moins toute une génération », estime Christine Castelain-Meunier. « Les choses continuent de changer. La dimension sociétale de la fête des pères gagnera du terrain à mesure que le rôle du père se redéfinira », assure, pour sa part, Michel Billé.
D’où vient la fête des pères ? – Cyril Hanouna