Avec une facture estimée à 36 milliards d’euros (contre 1,4 milliard pour les précédents JO d’hiver à Vancouver), les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi resteront dans les annales comme les Jeux de la démesure. Au-delà des infrastructures qu’il a fallu construire à partir d’une quasi feuille blanche, une somme d’argent colossale a été engloutie dans la corruption ou par les ambitions démesurées des dirigeants.
Pour Poutine, Sotchi sera « le plus grand événement de l’histoire postsoviétique ». Pour Boris Nemtsov, un opposant à Poutine, « ce sera un cimetière. Le cimetière le plus cher du monde »
La route la plus chère du monde pour atteindre les pistes de ski –
8,7 milliards de dollars pour 48 kilomètres, soit 181 millions de dollars par kilomètre : c’est ce qu’auront coûté la route et le chemin de fer reliant Adler, la cité balnéaire au bord de la mer noire, à Krasnaya Polyana, où sont situées les pistes de ski. A ce prix-là, la route aurait pu être pavée avec une couche d’un centimètre de caviar, a calculé le magazine russe Esquire.
Ce mirifique contrat a été remporté par la compagnie Russian Railways, appartenant à l’Etat et dirigée par un proche de Poutine, Vladimir Yakunin. La compagnie se défend de tout dérapage et explique ce coût exorbitant par la « complexité » du projet (70 ponts et 12 tunnels ont notamment dû être construits).
La copie d’une station de ski autrichienne –
C’est lors de vacances en Autriche en 2002 avec son ami Vladimir Potanin, PDG de Norilsk Nickel et neuvième homme le plus riche de Russie, que Poutine a eu l’idée de la construction de la station de ski de Rosa Khutor, où se dérouleront une partie des Jeux olympiques. De fait, la station a un petit air autrichien, avec ses hôtels couleur pastel le long de la rivière Mzymta et ses restaurants bavarois.
Avant l’attribution des Jeux en 2007, Potanin estimait le projet à 300 millions de dollars. Le coût final a grimpé à 2,6 milliards (avec les intérêts du prêt), selon Bloomberg. Après les jeux, la station est appelée à devenir « un haut lieu touristique », accueillant des compétions sportives et des évènements culturels.
Le parcours délirant de la flamme olympique –
Au Panthéon de la démesure de Sotchi figure sans doute le parcours extravagant de la flamme olympique. Partie d’Athènes le 5 octobre 2013, la torche a successivement été transportée au pôle Nord sur le plus grand brise-glace nucléaire du monde puis rallié la station spatiale internationale à bord de la navette Soyouz avant de plonger dans les profondeurs du lac Baïkal. Un périple de 65 000 kilomètres occasionnant des dépenses spectaculaires, comme lorsque les relayeurs ont été acheminés en hélicoptère au sommet d’un volcan dans la région du Kamtchatka. Sans compter le prix des 16 000 torches elles-mêmes, évalué à 205 millions de roubles (4,5 millions d’euros), selon le site russe Siberian Times.
Une cérémonie d’ouverture grandiose
– La cérémonie d’ouverture s’annonce tout simplement grandiose. Selon les médias russes, elle devrait reproduire des paysages entiers de la Russie, avec par exemple le lac Baïkal ou les montagnes de l’Oural. De grandes fresques historiques, notamment le Tsar Pierre Le Grand menant ses cinq navires devraient aussi faire partie du show. Pour cette cérémonie, un stade de 40 000 places a été érigé. Sensé ressembler à un flocon de neige, il n’accueillera aucune compétition sportive et aurait couté un milliard de dollars selon l’opposition russe, en raison, entre autres, des multiples révisions architecturales. Il a fallu rajouter un toit et deux pavillons attenants ont été spécialement construits pour accueillir tout le matériel nécessaire aux cérémonies d’ouverture et de clôture.
Une sécurité digne d’un climat de guerre
La crainte d’attentats terroristes a conduit la Russie à ne pas lésiner sur la sécurité. Une véritable armada de près de 37 000 soldats et policiers sera déléguée sur place, aidée par des drones, 5 420 caméras, des détecteurs sous-marins et un système de surveillance anti-aérienne. Le FSB, les services secrets russes, affirme avoir mis 100 000 agents sur le coup.
Un système de cyber surveillance généralisé baptisé Sorm interceptera l’intégralité des communications passées sur le site ainsi que toute autre conversation « sensible ». Au total, les autorités russes engageront un budget sécurité de 1,4 milliard d’euros, pratiquement deux fois plus que celui des Jeux olympiques de Londres.
14% des dépenses pour deux amis d’enfance
Les frères Arcady et Boris Rotenberg, amis d’enfance de Vladimir Poutine, auraient remporté à eux seuls 21 contrats pour 7 milliards de dollars. Soit environ 14% du coût total des dépenses engagées pour Sotchi, rapporte Bloomberg.
Une de leur société, Stroygazmontazh, a par exemple été chargée de la construction d’un pipeline de 177 kilomètres, qui a coûté 4 millions d’euros par kilomètre soit environ le triple du coût habituel pour un pipeline. A eux deux, les frères sont à la tête d’une fortune de 4,7 milliards de dollars, selon le magazine Forbes.
Une banque pas très regardante sur ses emprunteurs
70% des investissements de Sotchi ont été financés via une seule banque : Vnesheconombank (VEB), dont le superviseur n’est autre que le premier ministre russe… qui se nommait Vladimir Poutine lorsque les principaux prêts ont été accordés. La banque a par exemple financé 88% du village olympique, d’après Bloomberg Business.
Le hic, c’est que bon nombre de ces projets ne sont pas rentables. D’après un rapport cité par The Moscow Times, neuf prêts sur les 20 accordés pour les Jeux olympiques, et qui représentent 80% de la somme totale, devront être « restructurés ». Résultat : une perte de 3,8 milliards d’euros pour VEB.
Le vice-président du comité olympique empoisonné ?
En février 2013, Vladimir Poutine est en visite sur le chantier de construction du futur tremplin de saut à ski. Un chantier qui a pris plus de 2 ans de retard en raison des glissements de terrain et dont le coût a largement dérapé (de 30 à 200 millions d’euros). Le responsable du fiasco est tout trouvé pour le Kremlin : Akhmed Bilalov, chargé de la construction et vice-président du comité olympique russe.
Sous le coup d’une procédure criminelle, il s’enfuit en Allemagne en avril, où il se découvre un niveau « anormalement élevé » de mercure dans le sang. Aucune preuve formelle de corruption n’a pu être établie à son encontre et Bilalov est désormais réfugié à Londres.
De la neige stockée pendant un an
A quelques kilomètres de la mer Noire et son climat quasi méditerranéen (9°C de température moyenne en février), les pistes de ski olympiques sont situées à seulement 1 500 mètres d’altitude.
Du coup, les organisateurs se sont lancés dans de vastes opérations visant à garantir la couverture neigeuse. 400 canons à neige capables de débiter 6 000 mètres cube par heure ont été installés au bas des pistes. 450 000 mètres cube de neige de l’hiver dernier ont été stockés dans la station de Rosa Khutor en prévision des Jeux olympiques. Protégée par une couche isolante de 40 cm, elle sera utilisée en cas de manque de neige. Enfin, des sortes de gouttières géantes achemineront de la neige depuis le sommet des montagnes environnantes.
Des primes exceptionnelles pour les médaillés russes
Chaque athlète russe remportant une médaille d’or aura droit à une prime de 4 millions de roubles (90 185 euros) versée par le gouvernement. Ce sera 56 365 euros pour une médaille d’argent et 38 328 euros pour une médaille de bronze. Lors de Jeux olympiques de Londres en 2012, la Russie avait déjà été le pays le plus généreux, distribuant 5,37 millions d’euros à ses 82 médaillés. Les athlètes français, eux, ne verront pas leur récompense augmenter (50 000 euros pour une médaille d’or, 20 000 euros l’argent et 13 000 euros le bronze).
1 300 médailles ont été fabriquées pour les JO de Sotchi, un record.
Sotchi en chiffres
- 36 milliards d’euros : le coût estimé des Jeux olympiques de Sotchi (organisation + infrastructures)
- 6 000 athlètes attendus de 85 nationalités (plus 1 650 athlètes paralympiques)
- 11 stades ou équipements sportifs construits pour une capacité de 120 000 places
- 65 000 kilomètres : le trajet parcouru par la flamme olympique
- 3 milliards de téléspectateurs attendus
- 75 000 : la capacité hôtelière de la ville
- 371 millions d’euros : ce que devrait rapporter la vente de produits dérivés
- 5 420 caméras de surveillance installées dans la ville de Sotchi et sur les sites des JO.